HÉLÈNE ESTRADÈRE
Le cahier bleu de Johann-Paul Unger : extraits
J’aime bien le regarder nager, on dirait un long serpent d’or. Ou plutôt un oiseau,avec ses bras on dirait presque qu’il vole sous l’eau. Tous les deux on s’amuse à faire des vagues à la surface, tout est si lisse, alors on invente la mer. Il est très fort, Li. Je ne sais pas pourquoi mais ça me rend fier. Pourtant je sais que c’est comme ça qu’un jour il repartira. ( page 21)
J’aimais bien mon grand-père. Il habitait une petite maison couverte de roses (…).
Et puis un jour maman m’a dit qu’on allait le voir à l’ »asile ». Il avait quitté son gros bouquet de fleurs. J’avais demandé ce que ce mot voulait dire, ma mère m’avait répondu que c’était un endroit où on était protégé. Et j’ai pas compris pourquoi il fallait protéger mon grand-père, il avait l’air si heureux dans sa petite maison en fleurs. (Page 35)
« Refaire sa vie. Quelle drôle d’expression. Ça m’a fait penser aux tricots de ma grand-mère, quand elle « refaisait » une manche ou bien le col, point de jersey,un rang de points à l’endroit, un rang de points à l’envers. Elle m’avait dit : si tu veux apprendre, je te montrerai lepoint mousse, c’est plus facile (…).
En fait peut-être que maman en a assez des points envers et qu’elle veut refaire sa vie au point mousse. (Page 72)
C’est la première fois que Li me parle de son pays. Comme s’il voulait que j’en trouve un, moi aussi, au lieu de m’en inventer…Mais moi, est-ce que j’ai un pays ? (Page 76)